La Diva et les Macarons

Je l’avais entendu quatre fois. J’avais compris. Notre cliente de Chicago aimait les macarons. J’arrivais de France avec 4 boites. Assez fier d’ailleurs que nos douceurs colorées aient leur petite réputation.
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Je l’avais entendu quatre fois. J’avais compris. Notre cliente de Chicago aimait les macarons. J’arrivais de France avec 4 boites. Assez fier d’ailleurs que nos douceurs colorées aient leur petite réputation.

Nous étions conviés à Chicago pour un workshop – atelier de travail – autour de l’identité sonore. Notre cliente avait réuni toutes ses agences de publicité et de communication, notamment des créatifs, pour une session qui devait leur permettre de découvrir ce que nous avions fait, comment en tirer profit pour qu’ensemble nous le fassions vivre.

Dès le début de la réunion, les participants se montrent enthousiastes. A l’américaine.

Les mots qui fusent sont à la taille du pays. J’entends sans cesse des «Fantastic», «Awesome», «Amazing». Dans ces cas-là, il ne faut surtout pas se fier au dictionnaire mais plutôt regarder le cours des devises et faire la conversion. « Fantastic » par exemple, ne doit jamais être traduit par son petit frère français. Il faut enlever 30%. Et ça devient donc « Vraiment bien ». Idem pour le reste.

Seul l’un des participants, Peter, fait un peu la moue…

Un sur 17, je n’allais pas bouder mon plaisir. Sauf qu’il prend la parole. Je résume son intervention : « J’avais une autre idée ».

  • «Michael, vous avez les macarons ? » demande Kathy.
  • «Oh pardon, j’allais oublier. » Et voilà, je sors mes boites. Kathy se jette dessus puis en distribue autour de la table.

Notre réfractaire fait une jolie démonstration dans le style : « Moi, on ne me la fait pas, je connais la musique. J’ai des amis compositeurs et ma mère était Premier Prix de trombone à piston ».

Kathy lui passe la boite de macarons et lui suggère celui à la pistache qui est « Fantastic ». Non, il prend le chocolat. Je reprends la parole, tout le monde respire.

Ce qui est sympa avec les créatifs heureux, c’est qu’ils rebondissent vite.

De l’autre coin de la table fusent des idées d’applications. De la quantité mais aussi de la qualité. L’un des créatifs aura droit à une salve d’applaudissements après avoir proposé en riant que les vœux de fin d’année ne soient plus lus par le Chairman mais chantés sur ce qu’il nomme « la mélodie de marque ».

Notre camarade réfractaire avait une autre idée – mais Kathy aussi. Elle lui tend à nouveau la boite de macarons et lui fait remarquer qu’il peut prendre le dernier au chocolat. Non, il prend pistache.

 

La réunion s’achève. L’échange fut riche et prometteur. Kathy se pose. Elle me regarde, me sourit.

  • «Michael, passez-moi la boite de macarons je vous prie, histoire que j’en goute au moins un. » Elle éclate de rire. Je reste perplexe.
  • « Michael, la raison pour laquelle je vous ai demandé d’amener des macarons est très simple. Peter est un directeur de création très connu ici, très diva, mais il ne s’amuse plus depuis des années. Il se prend pour une star mais au fond son métier c’est de vendre les crèmes de beauté et les hamburgers de ses clients. Un peu court pour une star, non ? Alors, régulièrement, il nous fait des sorties sur des sujets qu’il ne maitrise pas – la musique en fait partie – il fait son intéressant et ça pollue un peu mais il a un point faible. C’est un vrai américain. Mettez devant lui un truc bien sucré et si possible bon, et il ne résistera pas. Il mange, il se tait, on a la paix ».

Le choc passé, je me rends compte que la conclusion culturelle que je dois en tirer est riche.

Outre sa finesse, je retiens de Kathy sa dernière phrase : « La musique, c’est un moteur puissant, très puissant pour séduire les gens mais ici, ça l’est moins que le sucre et le gras. »

Welcome to America !

Photo : https://unsplash.com/@gilibenita

 

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